Je le rappelle parce que c’est important : la différence fondamentale qu’il y a entre vous, l’intégrateur, et eux, les systémiers, c’est que vous savez que la vie du projet n’est pas une longue présentation en quarante-huit planches. Là où d’autres pensent qu’il n’y a qu’une mécanique bien huilée, vous savez qu’il y a aussi parfois de la sueur et des contournements pas toujours maîtrisés. Un exemple au hasard (mais alors, complet) : l’altération qui dure à l’infini.

Au début, tout va bien : Perrin récupère un fait technique à corriger, il se crée son petit espace de développement, tente de le corriger, y arrive même, et vous le donne pour intégration. Mais voilà, le processus d’intégration étant parfois ce qu’il est, avec son lot de lenteurs et de priorités, dont l’altération de Perrin ne fait pas partie d’ailleurs, Perrin se dit qu’il aurait également plus vite fait de corriger un fait technique lié (ou pas) dans le même espace de développement, ça lui fera économiser du temps. Alors il se lance, et vos ennuis commencent ici.

Rappel : vous espérez avoir des altérations confinées, succintes, en quelque sorte atomiques, respectant le schéma « une altération par sujet ». Ainsi vous savez intégrer continuement, au fil de l’eau, bref, vous êtes lean sans y prêter attention. C’est d’ailleurs ce que vous avez mis dans vos transparents pour expliquer votre travail à ceux qui vous donnent des ordres mais qui ont jusqu’à oublié ce qu’était le développement logiciel, s’ils l’ont jamais su.

Perrin est en train de s’asseoir sur votre joli principe, et compromet le travail de toute une équipe. Il commence à ajouter des dépendances là où il n’y en avait pas grâce à sa nouvelle correction. S’il continue ainsi, c’est bientôt lui qui décidera comment les autres développements devront s’adapter à ses modifications pathétiques. Il est temps que cela cesse.

Mais attention, inutile de clouer Perrin au pilori. Je sais, c’est tentant. Oh ! oui, je le sais. Pourquoi est-ce qu’il ne faut pas éviscerer cet âne batté de Perrin au milieu de l’open-space en récitant des formules cryptiques à la gloire de Loki ? Parce que j’aime à croire que les gens ne font pas exprès de nuire à autrui, même si c’est au plus grand nombre. Ce qui nous amène à trois cas de figure :

  • Perrin est effectivement, pleinement, globalement, complètement abruti. Il ne comprend rien à rien. C’est toujours sa mère qui lui lace ses chaussures. La dernière fois qu’il a joué tout seul au Trivial Pursuit, c’est son hamster qui a gagné. Bref, s’il est là, c’est qu’il n’y avait plus de place à la Qualité, alors essayez juste de faire en sorte qu’il ne vous importune plus, en devenant responsable de clôture des revues par les pairs par exemple, ça le préparera à son futur métier dès qu’une place se libèrera.
  • Perrin travaille pour Al-Qaida, courant tropézien historique. C’est un véritable nuisible, conscient de ses actes. Vous trouverez plein de choses sur ThinkGeek pour lui rendre la monnaie de sa pièce.
  • Perrin ne savait pas. Vous ne lui avez pas expliqué la différence entre le bien et le mal, ce que vous attendiez de lui, vous ne lui avez récité que ses droits et pas ses devoirs, bref, vous n’avez pas fait votre boulot ! Ça pique hein ? C’est pourtant le cas le plus probable.

Alors, que faire ? D’abord, arrêtez les frais dès que vous vous en apercevez : mettez le holà au cataclysme que vous prépare Perrin, stoppez-le net dans ses expérimentations. Un bon indicateur de dérive est le suivant :

Si une altération vous est proposée dans plus de trois formes différentes, c’est qu’il y a un problème de fond.

Par contre, vous allez devoir trouver un moyen d’intégrer ses monstrueuses altérations devenues monolithiques, car même s’il a eu tort, personne ne paiera à nouveau pour réparer en amont, séparer à nouveau tel que vous l’entendiez ses différentes altérations. C’est comme ça, je vous assure. Et ça coûtera plus cher au final. Mais puisque je vous dis que je le sais !

Ensuite, et c’est le point le plus important,

Présentez à toute l’équipe le processus d’intégration dans son intégralité tout en commençant à l’habituer au fait que le monde n’est pas fait que de noir et de blanc.

Alors, et seulement à partir de ce moment-là, si Perrin ou un autre vous refait la même, vous pourrez calmement vous diriger du pas de l’être sûr de son fait et dans son droit vers le bureau de l’accusé, et le défénestrer manu militari sans faire de vague ni même souffrir une quelconque et vaine protestation. Le vieux sanglier a la rancune tenace.

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