Il existe encore des idéalistes dans le développement logiciel. Attention, des vrais hein, pas des jeunes à peine sorti de l’école, tout bouffis de suffisance, persuadés qu’ils sont que le savoir qu’ils ont accumulé fera d’eux des gagnants et des meneurs. Moi je parle de gens qui y croient encore, et ce malgré leurs six mois d’ancienneté dans n’importe quelle SSII.

Récemment, j’ai rencontré un collègue ivre de joie de participer à un paléogiciel maison afin de le conchier définitivement d’y apporter son lot de corrections en tout genre. Premier constat, on est au moins aussi fort que dans de grands groupes mondiaux.

Nul besoin de test quand on a des utilisateurs. – B. Gates, escroc

Prise en main du logiciel, étude du code induit par spaghetto-génèse accélérée, régalade en tout genre, et soudain, LA révélation : « mais ! ça ne peut pas marcher ! » Hélas ! Que de temps perdu !

Il y avait plus simple ! – B. Renard, boulier

Et oui ! Une simple question aux utilisateurs aurait suffit, comme le lui apprendra la suite de l’aventure. À la question « mais ça, vous vous en servez comment ? », la réponse fuse : « Oh, ça ? On ne s’en sert pas, ça ne marche pas. » Autant dire que la fonctionnalité est essentielle. Suffisamment pour lui éviter d’être supprimée en tout cas. La corriger ? Non plus. On n’est pas payé à corriger des défauts qui ne sont pas vus par les clients. De l’intérêt de faire des formulaires de rapport de défauts bien abscons.

Ho ! non, encore un 'extern' devant une fonction dans un .h

Retour dans les profondeurs du code lasagnesque, version supplément béchamel et pâte trop cuite. Face aux interfaces multiples, redondantes et « toutes pourries » (sic), le collègue, enfin, le sous-traitant avec qui mon humanisme m’a forcé à sympathiser pour qu’il ait au moins une lueur de joie dans sans triste journée d’esclave sur-payé, le collègue, donc, a une idée du tonnerre : proposer sa propre interface. Il branchera les anciennes fonctionnalités dessus quand il aura fini, et il pourra faire disparaître le code de la honte.

Mais c’est super ! C’est un peu vite oublier que le code dont il essaie de se débarrasser est lui-même issu d’autres idéalistes intérimaires qui ont dû tout laisser en plan à mi-chemin parce que leur mission prenait fin brutalement, afin qu’ils puissent démontrer toute l’étendue de leur talent sur ce nouveau poste de plieur de trombone à Calais. Je ne vois pas d’autre raison, franchement.